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Colonies et accueils de loisirs « studieux »: éducation populaire en danger !

La mise en place du dispositif « vacances apprenantes » nous inquiète au plus haut point, vis à vis de l’éducation des enfants comme de la survie des organisations d’éducation populaire : nous le dénonçons dans cette tribune collective.

Pourquoi nous nous opposons à la labellisation des Accueils Collectifs de Mineurs (ACM)

Nous, organisateurs d’Accueils Collectifs de Mineurs, mouvements d’éducation populaire, militant.e.s des droits des enfants, associations, syndicats, chercheur.ses, élu.e.s, nous opposons aux dispositifs « Colonies Studieuses » et « Accueil de Loisirs studieux ».

Durant la période de confinement, le ministre de l’Éducation Nationale, Jean-Michel Blanquer, a mentionné à plusieurs reprises sa volonté de mettre en place des « Vacances apprenantes » qui se déclineraient en « Colonies studieuses » et « Accueils de Loisirs studieux ». Vendredi 8 mai, le site internet du Journal de l’Animation a publié des documents de travail de la DJEPVA qui nous permettent de mieux comprendre ses dispositifs.

Le dispositif prendrait la forme d’un système de label de séjours et accueils de loisirs qui serait attribué aux organisateurs qui en font la demande sous réserve de répondre aux critères définis par le cahier des charges.

À la lecture de ces documents nous nous questionnons sur les intentions réelles de ce système de labellisation des vacances.

Il est indéniable que malgré le plan de continuité pédagogique mis en place par l’Éducation Nationale, la qualité d’un enseignement à distance ne peut égaler celle d’un enseignement en présentiel. Aussi l’avancée sur les programmes scolaires de l’ensemble des élèves scolarisés sur le territoire français a été impactée négativement par cette situation sanitaire inédite. Nous sommes également d’accord avec le postulat selon lequel l’apprentissage des enfants le plus en difficulté (socialement et/ou scolairement) a été impacté bien plus durement que ceux dont les conditions de vie permettaient de suivre l’enseignement à distance de manière optimale. Pour autant l’ensemble des enfants du territoire a été touché par la modification de leurs conditions de scolarisation, et la logique voudrait que l’institution scolaire mette en place en son sein les dispositifs permettant aux enfants de rattraper ce qu’ils n’ont pas pu s’approprier du fait de la période de confinement. Aucun organisme privé (que ce soit une association, un comité d’entreprise ou une structure marchande) ou collectivité territoriale ne peut se substituer à la mission première de l’Éducation Nationale, qui est de permettre la réussite scolaire de chaque enfant scolarisé sur le territoire français. C’est pourquoi nous, organisateurs d’ACM, ne pouvons effectuer des missions de renforcement scolaire, qui sont du ressort de l’État (ce qui garantit une égalité de traitement à l’ensemble du territoire français). Depuis quelques années l’École et les organisateurs d’ACM dépendent du même ministère de tutelle : pour autant il est dangereux de confondre ce qui relève du domaine de l’Éducation Nationale avec ce qui relève de l’Éducation Populaire.


Les Accueils Collectifs de Mineurs, des lieux déjà « apprenants »


Selon le projet de cahier des charges « le label permet de garantir le savoir-faire des personnels et la qualité éducative des activités de loisirs et de renforcement scolaire proposées en toute sécurité ». Les ACM sont par essence des lieux d’éducation. L’article L.227-4 du Code de l’Action Sociale et des Familles les définit comme accueil collectif à caractère éducatif. En ce qui concerne les séjours de vacances, le ministère de l’Éducation Nationale et de la Jeunesse écrit à ce propos sur son site internet qu’ils sont des « lieux éducatifs de détente et de découverte dans un nouvel environnement, complémentaire à la famille et à l’école ». En particulier, les mouvements d’éducation populaire, les comités d’entreprise et les collectivités territoriales de gauche ont toujours eu à coeur de proposer aux enfants des activités ludiques leur permettant de s’approprier un certain nombre de savoirs et savoir-faire. Cette philosophie a permis aux ACM d’être un outil contribuant à l’émancipation et à la construction des enfants en tant que citoyen.ne.s. Un des préalables à l’organisation d’un ACM est la définition d’un projet éducatif par l’organisateur. Par ailleurs, pour les associations, il existe déjà un agrément jeunesse et éducation populaire, l’un de ses critères étant que l’action des associations qui en font la demande « touche à la formation globale des hommes et des femmes, à leur épanouissement et à leur prise de responsabilités dans la Nation comme dans leur vie personnelle ». Toutes ces dispositions ne sont-elles pas suffisantes pour garantir caractère «apprenant» des ACM ?


Renforcer des moyens déjà existants


En ce qui concerne le bon déroulement des ACM et la garantie de l’application des projets éducatifs des organisateurs, les Directions Départementales de la Cohésion Sociale (DDCS) disposent déjà de moyens concrets, parmi lesquels le contrôle des séjours par les inspecteurs et inspectrices jeunesse et sports et les conseiller.e.s d’éducation populaire et de jeunesse. Or, nous savons que, depuis quelques années, les moyens alloués au contrôle des séjours ont été drastiquement réduits. Ne serait-il donc pas préférable d‘allouer aux DDCS des moyens permettant que chaque séjour soit contrôlé plutôt que de substituer au travail des inspecteurs de la DDCS l’attribution d’un label ?

Au regard de ces différents éléments le système de labellisation ne nous semble apporter aucune plus-value par rapport aux dispositifs existant déjà, en terme de garantie de la qualité éducative des séjours et de garantie de la sécurité des enfants. Pourtant la mise en place de ce label nous laisse entrevoir l’institutionnalisation de logiques marchandes dans le domaine de l’animation et de l’éducation.


Sous couvert d’éducation, la part belle aux entreprises


Quel projet préfigure ce label pour l’avenir de l’éducation populaire ? L’agrément Jeunesse et Éducation Populaire définit que « le domaine de l’éducation populaire recouvre tout ce qui touche à la formation globale des hommes et des femmes, à leur épanouissement et à leur prise de responsabilités dans la Nation comme dans leur vie personnelle : ce champ d’action n’est pas strictement délimité et peut être très divers (formation professionnelle, formation du citoyen, formation à la responsabilité…). ». Or, ce projet de label parle pour les enfants de «construction de [leur] parcours à venir» : quid de l’épanouissement, de la formation, de la prise de responsabilité dans la Nation ? Le fait de substituer un « parcours à venir » à la recherche d’épanouissement nous laisse à penser que nous pourrions avoir de plus en en plus à faire à des politiques éducatives qui privilégient l’insertion dans le marché du travail comme objectif, en lieu et place de la recherche d’émancipation pour toutes et tous. L’importance accordée à la recherche de partenariats semble confirmer cette intuition. S’unir pour progresser, partager des ressources, sont de nobles intentions : pour autant, si le texte cite en exemples des partenaires les associations, établissements culturels, sites naturels… Il mentionne également les entreprises ! Cette opportunité donnée aux structures marchandes de vanter auprès des plus jeunes l’action des entreprises sous couvert de loisirs nous pose question : outre remettre en cause la philosophie des colonies de vacances, elle pourrait les transformer en vitrines des entreprises du secteur marchand.


L’éducation populaire, une richesse menacée


Sur la forme, la labellisation met en concurrence des organismes de nature différente pour l’attribution de subventions d’Etat. Pis encore, l’attribution de ce label permet à des entreprises marchandes de pouvoir candidater aux subventions d’Etat, ce qui jusqu’à présent n’était possible que pour les associations agréées « Jeunesse et Education Populaire ». Sous couvert d’utiliser les termes de « subvention de fonctionnement » il s’agit bien ici d’une « subvention sur appel à projet ». Ces subventionnements sur appel à projet s’inscrivent dans des logiques qui ont pour conséquences depuis plus d’une vingtaine d’années de mettre en concurrence les associations qui, dans le même temps que leurs subventions de fonctionnement sont drastiquement réduites, se retrouvent obligées, pour survivre, de répondre à des critères définis par les financeurs . Les associations sont des structures particulières qui constituent une vraie richesse pour la vie démocratique de notre pays en permettant aux citoyens de se réunir, d’agir collectivement, de « prendre leurs responsabilités dans la Nation »: les subventionner sur des projets et non sur leur existence met à mal notre démocratie en fragilisant le cadre associatif, vecteur de participation citoyenne et d’épanouissement, qu’aucune structure marchande ne pourrait remplacer.


La question éducative doit être préservée des logiques de marché. Aucun organisme à but lucratif ne devrait pouvoir prétendre à contribuer à l’éducation des enfants. Ce projet de labellisation nous inquiète au plus haut point quant à l’avenir de l’éducation de nos enfants.

Premiers signataires :

JOLLANT Stéphane, Coordinateur National de l’Union des Fédérations des Pionniers de France, BUFFET Marie-George, Députée PCF de Seine Saint Denis, ancienne Ministre de la Jeunesse et des Sports, Association CEMEA Centre – Val de Loire, CRAJEP Centre – Val de Loire, ARAC (Association Républicaine des Anciens Combattants), Association « La Boîte à Outils » (Toulouse), Association RéAnim, Collectif Education Populaire, Association Cercle de recherche pour l’éducation à la citoyenneté démocratique / Participe Présent, CGT Educ’action 59/62, CGT Educ Action 01, Association Enfance à la Montagne, Association Femmes Solidaires Marseille, Association Femmes Solidaires 66, Association Femmes Solidaires 93, Association Les Amis de la Vallée Verte, Les Jeunes Génération.s, Association Loisirs Vacances et Formation, Mouvement de la Paix, Association Sens pour Cent, UEC (Union des Etudiant.e.s Communistes), UNEF (Union Nationale des Etudiants de France), Union des Fédérations des Pionniers de France, Ville de La Courneuve, Association Plein Temps Vacances et Loisirs, Association Enjeu 62, Association Enjeu 59, Association Vacances et Loisirs Région Nord, Union Départementale CGT Paris, MJCF (Mouvement des Jeunes Communistes de France), AGGOUNE Fatah, Maire-adjoint à Gentilly (94), BAR Ludovic, Militant communiste et de l’éducation populaire, BAUD Françoise, Maire de Valenton (94), BLANCHETEAU Gérard, Conseiller de quartier, 20 arrondissement de Paris, BELLAHMER Saâdia, Adjointe au Maire à Grigny (91), BONTOUX Serge, Enseignant spécialisé, syndicaliste, BOUKANTAR Youssef, Conseiller municipal délégué à Grigny (91), BOURGEOIS Aurèle, Conseiller municipal à Grigny (91), BOUYER Jean-Philippe, Directeur adjoint dans une association toulousaine, agréée Jeunesse et Education Populaire, BRUNEEL Alain, Député PCF du Nord, BUSNEL Charles, Secrétaire général des Jeunes Génération.s, CAMARA Lamine, Conseiller régional d’Île-de-France, CAPANEMA Silvia, Vice-présidente de Seine-Saint-Denis en charge de la Jeunesse et de la Lutte contre les discriminations, Maîtresse de conférence à l’université Sorbonne Paris Nord, CHABROT Sarah, Conseillère municipale à Grigny (91), CLEMENT Robert, Président honoraire du Conseil Général de Seine Saint Denis, COLIN Jacqueline, COMBET Benoît, Enseignant et directeur BAFD, CORZANI Olivier, Maire de Fleury-Mérogis (91), CUKIERMAN Cécile, Sénatrice PCF de la Loire, DASSA Emmanuel, Maire de Briis-sous-Forges (91), DAUDET Patrick, 1er maire-adjoint à en charge du Projet éducatif local et du Temps de l’enfant, Gentilly (94), DECKER Véronique, Ancienne directrice d’école, militante syndicale et de l’association Pédagogie Freynet, DHEILLY Cyril, Docteur en Sciences de l’Education, Laboratoire CIRNEF, DIARRA Seynabou Léonie, Conseillère municipale déléguée à Grigny (91),  DE BECHEVEL Arnaud, Responsable d’une maison de quartier en zone prioritaire, à Villeurbanne, DHARREVILLE Pierre, Député PCF des Bouches du Rhône, DJEARAMIN Ganesh, Adjoint au Maire à Grigny (91), ETIEMBLE Jacqueline, Retraitée de la fontion publique territoriale – Saint Brieuc, FAUCILLON Elsa, Députée PCF des Hauts de Seine, FENASSE Delphine, Maire adjointe à l’enfance de Fontenay-sous-bois (94), FERCHAUD Ludovic, coordinateur enfance-jeunesse en Savoie (centre social associatif), FOUILLET Mathieu, Coordinateur d’un service vacances à Lyon, FOUQUET Violaine, Secrétaire adjointe association centre de vacances des amis de la vallée verte, FRESNAY Thierry, cadre éducatif socio-judiciaire en Seine et Marne (77), GAMIETTE Martial, Conseiller municipal délégué à Grigny (91), GAUTRAIS Jean-Philippe, Maire de Fontenay-sous-Bois (94), GARNIER Dominique, GHENAÏM Sara, Conseillère municipale déléguée à Grigny (91), GOUALIER Nina, Présidente de La Dauphinoiserie – Jeunesse et Culture, HANDEL Esteban, animateur bénévole en scoutisme, HEMERY Eloi, animateur coordinateur d’un service jeunesse en milieu rural et administrateur collégial de l’association « Les 400 coups », JACQUEMIN Laeticia, Conseillère municipale déléguée à Grigny (91), JOUBERT Soazig, Maire adjointe en charge de la jeunesse, Gentilly (94), JOZEFOWICZ André,  Militant associatif, JUANICO Régis, Député Génération.s de la Loire, vice-président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, JUMEL Sébastien, Député PCF de Seine-Maritime, JORDA Pierre, Conseiller municipal à Auch (32), KENNEDY Jean-Claude, Maire de Vitry-sur-Seine (94), KÖSE Anaïs, Conseillère municipale déléguée à Grigny (91),  LACOSTE Laurent, Moniteur et Coordinateur de Tennis Club, Bourg Saint Andéol (07), Organisateur de séjours, LASCOMBE Cédric, Animateur Professionnel, LAURENT Pierre, Sénateur de Paris, President du conseil national du PCF, LE BRIAND Yveline, Adjointe au maire à Grigny (91), LECLERC Patrice, Maire de Gennevilliers (92), LEHOUX Erwan, Professeur de SES, membre de l’institut de recherche de la FSU, LOUISON Philippe, Adjoint au Maire à Grigny (91), MAHIEU Nathalie, Directrice d’accueil de loisirs en Indre et Loire (37), MARCHETTI Méryl, écrivain, co-secrétaire général du GFEN, MAZE Julien, Coordonnateur adjoint dans une association d’Éducation Populaire à Cherbourg-en-Cotentin (50), MIRANDE Camille, Professeure des écoles, MOURY José, Conseiller municipal de Bobigny (93), NIVET Roland, Porte-Parole national du Mouvement de la Paix, NOMBO-POATY Julien, Conseiller municipal à Fontenay-sous-Bois (94), NOUIBI Najia, Coordinatrice Festival Remue-Méninges (38), PENE Denis, Responsable associatif (65), PENE Florence, Assistante sociale, PENE Julien, Educateur spécialisé, PEU Stéphane, Député PCF de Seine Saint Denis, PORTALIER Pierre, Responsable d’un espace de vie sociale, PRUNAUD Christine, Sénatrice PCF des Côtes d’Armor, RAUZE Marjolaine, Maire de Morsang-sur-Orge (91), RIO Philippe, Maire de Grigny (91), SADI Abdel, vice-président du Conseil Départemental de Seine Saint Denis, SERY KORE Nakro, Animatrice stagiaire BPJEPS loisirs tous publics, SOILIHI Mahamoud, Conseiller municipal délégué à Grigny (91), STIENON Sylvain, Directeur associatif, TAIBI Azzédine, Maire de Stains (93), TALLET Maud, Maire de Champs-sur-Marne (77), THUILOT Rose-Marie, Conseillère municipale à Grigny (91), TORDJMAN Patricia, Maire de Gentilly (94), TRIAU Romain, Responsable service Enfance, Vacances, Loisirs de la ville de Valenton (94), TROADEC Pascal, Adjoint au Maire à Grigny (91), VALENTIN Claire, Militante CEMEA, VASSALO Patrick, Maire-Adjoint de Saint Denis (93), ZERKAL Arsène, Adjoint au Maire à Grigny (91).